Changé le: 07/04/2024
Cannabis de synthèse: le HHC et ses deux dérivés, le HHC acétate (HHCO) et l’hexahydroxycannabiphorol (HHCP) interdits dans l’Hexagone
L’industrie du cannabis en France a été frappée par un tremblement de terre suite à l’interdiction du HHC, cannabis de synthèse fabriqué à partir du tétrahydrocannabinol et de deux de ses dérivés. Cette décision a été annoncé par François Braun, le ministre de la Santé.
Cet événement a ébranlé le marché et soulevé un certain nombre de questions cruciales sur la réglementation des substances psychoactives y compris la consommation et la vente de ces derniers.
Dans l’article suivant, nous examinerons en détail les implications de cette mesure, en explorant le débat public qui en a résulté et son impact sur l’industrie du chanvre.
Interdiction HHC: une évolution réglementaire dans l’industrie du cannabis en France
Le HHC, ou hexahydrocannabinol, est une molécule synthétique dérivée du cannabis. Il est important de souligner que le HHC présente un risque d’abus et de dépendance équivalent à celui du cannabis.
Sa structure est très similaire à celle du tétrahydrocannabinol, mais avec quelques différences clés au niveau des liaisons chimiques qui confèrent à la molécule des propriétés particulières, notamment une plus grande affinité pour les récepteurs cannabinoïdes présents dans le système nerveux central et une moindre susceptibilité à la dégradation enzymatique dans le foie.
Le HHC a été synthétisé pour la première fois dans les années 1940 aux États-Unis, mais jusqu’à récemment, il n’a jamais été largement utilisé comme molécule récréative, contrairement à d’autres cannabinoïdes synthétiques tels que le K2 ou le Spice. Ce n’est que ces dernières années qu’il a été redécouvert par certains producteurs et vendeurs légaux de chanvre, qui l’ont utilisé pour enrichir leurs produits d’un composé plus puissant et plus durable que le THC.
Le problème est que le HHC n’est pas une molécule naturelle, mais artificielle, et qu’il n’entre donc pas dans la définition du cannabis légal selon la loi française. En effet, pour être légaux, les produits de marijuana légère ne doivent contenir que des cannabinoïdes naturellement présents dans la plante de chanvre, comme le CBD ou le CBG, et doivent avoir une concentration en THC inférieure aux limites définies au niveau européen et au niveau de l’État.
Le HHC, quant à lui, est une molécule d’origine artificielle et, étant donné qu’il est dérivé du tétrahydrocannabinol, il contourne d’un certain point de vue les réglementations relatives à la concentration maximale de THC.
Ce sont les raisons pour lesquelles il a été interdit en France à compter du 13 juin 2023, suite à son inscription comme composé stupéfiant par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). L’interdiction est fondée sur le principe de précaution, car les études sur les effets du HHC sur l’homme et les risques éventuels pour la santé publique sont insuffisantes.
La décision des autorités françaises porte sur une question qui, jusqu’à présent, n’avait jamais été abordée directement. En effet, le HHC n’était pas reconnu comme un composant stupéfiant par la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, contrairement au THC, qui est illégal dans une grande partie du monde. Les magasins de cannabis pouvaient donc vendre librement et en toute légalité des inflorescences, des huiles et d’autres produits contenant de l’hexahydrocannabinol.
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L’impact de l’interdiction: incertitudes sur le marché français
Cette décision a eu des conséquences immédiates sur le marché du chanvre, qui représentait environ 200 millions d’euros en 2020. De nombreux magasins de cannabis ont dû fermer ou se débarrasser de leurs stocks de produits contenant de l’hexahydrocannabinol, perdant ainsi une importante source de revenus. Certains ont essayé de remplacer l’hexahydrocannabinol par d’autres cannabinoïdes synthétiques ou naturels et, bien sûr, légaux, mais avec des résultats incertains. D’autres décident de quitter le secteur du cannabis et de se concentrer sur d’autres activités.
Les réactions de l’industrie et des entreprises ont été mitigées. Certains ont accueilli favorablement cette décision, la considérant comme une mesure nécessaire pour protéger les consommateurs et réguler le marché du chanvre. D’autres ont critiqué le gouvernement français pour avoir agi de manière hâtive et arbitraire, sans consulter les experts et les parties prenantes. D’autres encore ont dénoncé cette décision comme une forme d’hypocrisie et de répression, car elle va à l’encontre de la tendance mondiale à la légalisation et à la régulation du chanvre.
L’interdiction du chanvre en France est un exemple des défis et des opportunités auxquels est confrontée l’industrie du chanvre légal y de ses dérivés tels que la fleur CBDen Europe et dans le monde.
D’une part, il existe une demande croissante de produits à base de cannabis de la part des consommateurs qui recherchent des avantages thérapeutiques ou récréatifs. D’autre part, il y a un manque d’harmonisation et de clarté réglementaire sur les cannabinoïdes, ce qui crée de la confusion et de l’incertitude parmi les producteurs, les vendeurs et les consommateurs. C’est pourquoi un dialogue constructif entre les autorités compétentes, les acteurs du secteur y compris les centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) et la société civile est nécessaire pour garantir la sécurité, la qualité et la transparence des produits de marijuana.
Le débat public sur la décision des autorités françaises
Au-delà des réactions des personnes directement concernées, à savoir les industries et les acteurs du secteur du chanvre légal et de ses dérivés tels que le hash CBD, la décision du gouvernement français a également déclenché un vaste débat public sur le rôle et les limites de la réglementation des composants psychoactifs. Dans les paragraphes suivants, nous examinerons certains des principaux arguments pour et contre cette mesure, en essayant de fournir une vision équilibrée et critique de la question.
Arguments en faveur
Certains soutiennent qu’il s’agit d’une mesure nécessaire pour protéger la santé publique et la sécurité sociale, car l’hexahydrocannabinol présente un risque grave pour la population. Voici quelques-unes de leurs raisons:
- l’hexahydrocannabinol est considéré comme une substance toxique et dangereuse qui peut provoquer des effets indésirables tels les tremblements, vomissements, anxiété, bad trip, confusion mentale, malaise, tachycardie, douleur thoracique poussée tensionnelle. Dans certains cas, elle peut être fatale, surtout lorsqu’elle est prise en combinaison avec d’autres drogues ou médicaments;
- selon des études qui ne sont pas encore totalement établies, le HHC crée une dépendance physique et psychologique, poussant les utilisateurs à rechercher des doses toujours plus élevées et plus fréquentes pour obtenir les mêmes effets. Cela entraîne une détérioration de la santé physique et mentale, ainsi qu’un impact négatif sur la vie personnelle, familiale, professionnelle et sociale des personnes qui en consomment;
- le HHC serait une substance qui entrave le développement de politiques efficaces de prévention, de réduction des risques et de traitement de la dépendance au cannabis et aux autres drogues. L’interdiction est un moyen d’envoyer un message clair et fort au public sur le danger des substances psychoactives et la nécessité de s’en abstenir ou d’en limiter la consommation.
Arguments contre
Les détracteurs de l’interdiction affirment qu’il s’agit d‘une mesure inefficace et contre-productive qui ne résout pas le problème de la consommation de substances psychoactives, mais l’exacerbe. Plus précisément, ils avancent les arguments suivants:
- le HHC est une substance qui répond à une demande sociale et économique des consommateurs de marijuana, qui recherchent des alternatives légales au THC. La prohibition n’élimine pas cette demande, mais la déplace vers d’autres substances plus facilement disponibles et, surtout, illégales;
- le HHC, comme toute autre substance «limite», nécessite une réglementation rationnelle, fondée sur des données probantes, qui tienne compte des avantages et des risques liés à son utilisation. Interdire le HHC serait une mesure irrationnelle et idéologiquement biaisée qui ignorerait les preuves scientifiques et l’expérience internationale en matière de réglementation des substances psychoactives ;
- dans le domaine des substances psychoactives, une politique d’information, d’éducation et de sensibilisation des consommateurs et de la société est jugée nécessaire, afin de promouvoir une culture de la responsabilité et de la modération dans l’utilisation des substances psychoactives par le biais d’un dialogue avec les personnes. La prohibition, au contraire, représente une décision qui va à l’opposé du dialogue, vers l’interdiction, la répression et la stigmatisation des consommateurs et de la société, qui promeut une culture de la peur et la criminalisation d’une partie de la population.